Le plus beau poème du monde ne sera jamais que le pâle reflet de ce qu’on appelle la poésie, qui est une manière d’être, ou, dirait l’autre, d’habiter ; de s’habiter.
Toutes les réactions des hommes relèvent de la poésie. Ça ne trompe pas.
La poésie, c’est l’indifférence à tout ce qui manque de réalité…
Cette passion du réel, qui fait longer des précipices, ce goût exclusif, comment ne nous rendrait-il pas plus apte à comprendre autrui, et pas le comprendre comme ça, non, mais le remplacer, en quelque sorte, le relayer dans son poème interne, retrouver avec lui la source, nettoyer le lit de son eau vive, et remettre en branle la circulation originelle…
Il est probable que nous sommes le poème de Dieu, fragments de langage unique…
En fait, la poésie, c’est de considérer tous les hommes en poètes, comme s’ils étaient des poètes. Et y tenir.
Moi, je vais vous dire, j’ai envie d’être heureux.
Un peu comme on dit bêtement que les clochards le sont. Heureux de rien, et incapable de lever le petit doigt pour figurer dans le spectacle.
Mes coulisses, c’est le ciel, la mer, le vent, l’arbre, et qui m’aime me suive ! Je n’en démordrai pas, je n’en démordrai plus, c’est un pacte avec ce qui me paraît plus vrai que tout le reste, avec ce qui me rend à un langage plus modeste, plus fragile par rapport à celui des hommes de société, dont je comprends mal la nonchalance active…
J’ai déniché une mansarde où travailler en paix. Une table, une chaise, une lucarne. Un peu comme si je partais à l’école, tous les matins.
Georges Perros Lettre à Brice Parain, 1962
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